Fuite d’informations dans l’armée allemande : les raisons du fiasco

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C’est une nouvelle qui a fait l’effet d’une bombe au niveau géopolitique : alors que la Russie et l’Ukraine s’affrontent militairement, des agents russes ont réussi à intercepter et à faire fuiter une conversation confidentielle entre de hauts officiers allemands.

En dehors du contenu des échanges tenus lors de cette réunion secrète, c’est surtout le manque flagrant de précautions prises par les hauts gradés germaniques qui interroge : comment ont-ils pu se retrouver dans une situation pareille ?

Retour sur l’affaire qui a secoué l’armée allemande et révélé ses failles.

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Une fuite qui a mis le feu aux poudres

La Russie hausse le ton, et l’Allemagne est bien embarrassée : le vendredi 1er Mars, la conversation secrète entre des hauts représentants de l’armée allemande a été diffusée sur les médias sociaux russes. Au cours de l’extrait audio de 38 minutes de cette réunion ayant eu lieu le 19 février dernier, la possibilité de livrer des missiles Taurus à l’Ukraine, sujet géostratégique majeur, a notamment été évoquée.

Ces révélations interviennent dans le contexte explosif de la guerre entre Russes et Ukrainiens, où l’Allemagne, alliée déclaré de Kiev, avait déclaré par l’intermédiaire d’Olaf Scholz ne pas souhaiter livrer les dits missiles. La peur de voir l’Allemagne être embarquée dans une guerre qui ne la concerne pas directement a été la raison avancée par le chancelier allemand pour justifier ce refus. Une position qui ne fait visiblement pas l’unanimité parmi l’état-major allemand.

Des relations diplomatiques détériorées et une crédibilité entachée

Cette fuite a véritablement fait l’effet d’une bombe qui a embrasé le débat public outre-Rhin. Les conséquences géopolitiques de cet événement sont multiples.

Tout d’abord, ce sont les institutions allemandes qui sont mises à mal : cet épisode a laissé apparaître au grand jour des dissensions entre le chancelier et les membres éminents de son armée. C’est un très mauvais signal qui fait douter de la fiabilité de la voix allemande auprès de ses partenaires stratégiques.

C’est d’autant plus dommageable que les divergences ne mettent pas seulement en difficulté l’Allemagne, elles fragilisent aussi toute l’Europe. En effet, le positionnement de Scholz le sujet des missiles Taurus symbolise plus globalement la volonté du chancelier allemand de mettre une ligne rouge au soutien militaire à l’Ukraine. Le problème, c’est que cela entre en contradiction directe avec les propos d’Emmanuel Macron, qui a annoncé n’écarter aucune possibilité sur la forme vers laquelle évoluerait le soutien militaire envers l’Ukraine. Cette déclaration du président français est intervenue le 26 février dernier, à l’issue d’une importante conférence de soutien à l’Ukraine qui réunissait 25 dirigeants européens, parmi lesquels … Olaf Scholz. La crédibilité de l’Europe en tant qu’entité politique majeure sur la scène internationale a été largement entamée, à l’heure où le vieux continent tente de fédérer les dirigeants des différentes nations européennes autour d’une position commune contre l’invasion russe.

Si les relations de l’Allemagne avec ses partenaires a pu engendrer des malentendus, celle avec la Russie s’est logiquement fortement détériorée : Moscou menace de considérer que Berlin sera en situation de co-belligérance en cas de livraison des fameux missiles à Kiev. Cela arrive dans un contexte diplomatique international qui est plus tendu que jamais autour de la question ukrainienne.

Une ignorance des mesures de sécurité qui pose question

Au-delà de tous ces éléments, c’est aussi et surtout la compétence de l’armée allemande qui est remise en cause. Ce sont en effet la négligence et le manque de précautions des officiers allemands vis a vis de la sécurité et de la protection des échanges qui interrogent. Il y a notamment deux éléments qui laissent les experts assez perplexes.

La visioconférence sur une plateforme publique

Der Spiegel révèle que qu’au lieu d’utiliser le canal sécurisé spécifiquement conçu pour les membres de l’armée de l’Air allemande, les hauts gradés germaniques ont effectué leur réunion en se connectant sur une plateforme publique, WebEx, qui plus est sur la version gratuite de l’application, beaucoup moins sécurisée que la version payante. Ils l’ont sans doute fait pour gagner du temps ou pour s’affranchir des processus opérationnels adéquats, parfois lourds mais nécessaires pour la tenue d’une réunion avec un niveau maximal de confidentialité. La suite des événements a prouvé que ce choix n’était pas le bon.

Un participant s’est connecté via le Wifi d’un hôtel

La presse allemande explique également que l’un des participants a rejoint cette réunion en se connectant à partir du Wifi de son hôtel à Singapour. Il est pourtant de notoriété publique que les réseaux Wifi publics ne sont pas sécurisés et peuvent facilement être piratés par des personnes malveillantes. Le meilleur pour la fin : apparemment, des micros ont été retrouvés partout dans sa chambre d’hôtel.

Un rappel à l’ordre nécessaire

Eva Högl, la commissaire parlementaire aux forces armées auprès du Bundestag, a exprimé auprès du RND son souhait de voir des mesures concrètes adoptées en réaction à ces graves failles de sécurité : “D’abord, tous les responsables à tous les niveaux de la Bundeswehr doivent immédiatement être formés de manière approfondie à la communication sécurisée. Il faut ensuite garantir que des informations et des communications sécurisées et secrètes soient possibles de manière stable.”

Conclusion

A une époque où les moyens de communication et d’information sont de plus en plus vulnérables aux cyberattaques, et où de nombreux exemples du quotidien nous rappellent la nécessité de protéger notre sécurité et notre confidentialité en ligne, il est particulièrement troublant de voir que les hauts gradés allemands ne semblent pas avoir montré de sensibilité sur ces sujets. C’est surprenant dans la mesure où compte tenu de leurs fonctions, ces généraux connaissent la nécessité de passer par des canaux sécurisés pour échanger des données stratégiques et confidentielles sans qu’elles ne soient interceptées.

Cela nous rappelle, si besoin il y avait, que personne n’est à l’abri des cyberattaques et des tentatives d’interception de ses donnés par des tiers. Heureusement, aujourd’hui, de nombreux outils de protection numérique existent. Ne pas prendre les mesures de sécurité appropriées pour sécuriser ses échanges, son activité en ligne ou ses informations sensibles, c’est prendre le risque permanent de voir ces données privées exposées ou utilisées par ceux qui pourraient les intercepter. Avec les conséquences terribles que cela pourrait avoir.

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